Les océans gardent les traces silencieuses de millions de naufrages. Selon l’UNESCO, plus de trois millions d’épaves reposent dans les profondeurs. Certaines ont sombré à cause des guerres, d’autres à cause d’erreurs humaines ou simplement du hasard. Toutes ou presque racontent une tragédie.
Découvrez les récits bouleversants de quelques-uns des naufrages les plus tragiques de l’histoire maritime.
Adaptation française par Charline Pelletier
Considéré comme le Titanic de son époque, ce navire a sombré il y a plus de 900 ans. En ce jour fatidique, Guillaume Adelin, unique fils légitime d’Henri Iᵉʳ d’Angleterre, s’apprête à regagner l’Angleterre, entouré d’un important cortège. Tous embarquent en Normandie à bord de la Blanche-Nef, un voilier ultramoderne prêt à effectuer sa traversée inaugurale.
Avant le départ, Guillaume demande que l’on apporte du vin. Rapidement, tout l’équipage est ivre. Parti du port à minuit, le navire heurte un rocher en pleine mer. En quelques instants, la Blanche-Nef coule dans la Manche. Environ 300 personnes périssent, dont l’héritier du trône et une grande partie de l’aristocratie anglaise.
Neuf siècles plus tard, en juin 2021, une équipe de l’Institute of Digital Archaeology (IDA), accompagnée de Charles Spencer, frère de la princesse Diana, explore un site au large de Barfleur. Sur place, ils découvrent des vestiges d’une embarcation médiévale que l’on pense être la célèbre caraque disparue du XIIᵉ siècle. Cette trouvaille exceptionnelle a conduit à la construction d’une réplique de la Blanche-Nef, parrainée par l’IDA.
Construit vers 1510, le Mary Rose faisait partie intégrante de la flotte d’Henri VIII et aurait même été le navire préféré du roi durant ses 34 années de service. Lourdement armé et doté d’un équipage de 400 à 500 hommes, ce redoutable bâtiment a pris part à de nombreux affrontements contre les Français.
En 1545, alors qu’il navigue dans le Solent — le bras de mer qui sépare la Grande-Bretagne de l’île de Wight —, le Mary Rose tente un virage serré… lorsqu’une violente rafale le fait chavirer. Les sabords restés ouverts, le navire coule en entraînant presque tout son équipage. Gisant à seulement 12 mètres de profondeur, l’épave fait l’objet de nombreuses tentatives de renflouement… toutes vouées à l’échec.
Dans les années 1960, des archéologues localisent enfin l’épave du Mary Rose et en extraient des centaines d’artefacts exceptionnels. Mais c’est en 1982 que le navire refait véritablement surface : vieux de près de 500 ans, il est hissé hors de l’eau sous les yeux du monde entier, lors d’une opération retransmise en direct à la télévision.
Aujourd’hui, le Mary Rose repose au musée qui porte son nom à Portsmouth, dans un environnement spécialement humidifié pour préserver sa structure en bois. Près de 19 000 objets y sont exposés, ainsi que les dépouilles de l’équipage et des reconstitutions faciales saisissantes.
Au XVIIᵉ siècle, en pleine guerre de Trente Ans, le roi Gustave-Adolphe de Suède entend affirmer sa puissance maritime en mer Baltique. Il ordonne alors la construction du Vasa, un impressionnant navire de guerre doté de deux ponts d’artillerie, de 64 canons en bronze et d’un équipage de 450 hommes.
Mais le 10 août 1628, lors de son voyage inaugural, le Vasa chavire après seulement quelques centaines de mètres de navigation, sous les yeux médusés de la foule venue assister au départ. En quelques instants, le navire sombre corps et biens, entraînant environ 150 marins dans les flots.
En 1962, l’épave du Vasa est enfin remontée à la surface, plus de trois siècles après son naufrage. Le verdict des experts est sans appel : une erreur majeure de conception. Le navire était si instable qu’une simple brise suffisait à le faire chavirer.
Mais au-delà du désastre, l’état de conservation du Vasa fascine. Ses superbes sculptures aux détails finement ciselés sont restées presque intactes. Aujourd’hui, le navire trône fièrement dans un musée qui lui est entièrement consacré, au cœur de Stockholm.
En mai 1845, la Royal Navy lance une ambitieuse expédition pour découvrir le passage du Nord-Ouest, qui relie l’Atlantique au Pacifique par les glaces de l’Arctique. À sa tête, l’explorateur John Franklin, accompagné de 133 hommes répartis à bord de deux navires à vapeur : l’Erebus et le Terror, tous deux renforcés de plaques de fer pour affronter les conditions extrêmes.
Dotée d’un équipement de pointe et de trois ans de vivres — grâce à la boîte de conserve, innovation toute récente — l’expédition semble promise au succès. Mais en juillet, les navires sont aperçus pour la dernière fois près de l’île de Baffin, au Canada. Ils ne referont plus jamais surface.
L’affaire passionne le public de l’époque, au point que Charles Dickens et Mark Twain s’en emparent dans leurs écrits. Face au mystère, de nombreuses missions de secours sont lancées. Grâce aux messages laissés par les équipages, aux témoignages des Inuits et aux recherches en archéologie sous-marine, les chercheurs parviennent peu à peu à reconstituer les faits.
Dès 1846, les deux navires auraient été pris dans les glaces, au large de l’île du Roi-Guillaume, dans l’actuel Nunavut, et seraient restés bloqués pendant près de deux ans, sans jamais pouvoir reprendre la mer. Cette tragédie a inspiré la série à succès The Terror (2018), qui revisite l’expédition dans une version à la fois historique et romancée.
Des chasseurs inuits rapportent avoir croisé, en 1849 et 1850, le capitaine Francis Crozier accompagné de plusieurs membres de l’équipage, errant dans l’Arctique. Les dernières traces concrètes de l’expédition remontent à 1859, lorsqu’une mission de secours découvre une petite embarcation à proximité de la zone où les navires avaient été signalés pour la dernière fois. À bord, le squelette d’un marin, sans doute mort en tentant d’échapper à l’enfer blanc.
Il faut attendre 2014 pour que l’épave de l’Erebus soit enfin localisée, permettant notamment la récupération de sa cloche. Le Terror est quant à lui retrouvé deux ans plus tard. En 2019, des caméras sous-marines sont déployées à l’intérieur de l’épave pour en explorer les moindres recoins.
Le 5 décembre 1872, un navire est repéré à la dérive, à quelque 740 kilomètres des Açores, dans l’Atlantique. À bord, aucun signe de lutte ni de panique. Tout semble figé, comme si le temps s’était arrêté. Seul le canot de sauvetage a disparu.
Le bateau en question n’est autre que le Mary Celeste, un navire marchand qui transportait le capitaine Benjamin Spooner Briggs, son épouse Sarah, leur fille de deux ans Sophia Matilda, ainsi que six membres d’équipage. Tous se sont évaporés sans laisser la moindre trace. Le dernier journal de bord remonte au 25 novembre.
Encore aujourd’hui, le mystère du Mary Celeste demeure l’une des énigmes maritimes les plus fascinantes jamais élucidées.
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En 1865, quelques semaines à peine après la fin de la guerre de Sécession, le Sultana, un bateau à aubes, est chargé de rapatrier d’anciens prisonniers nordistes. Conçu à l’origine pour transporter du coton, il est détourné de sa fonction par son capitaine, James Capp Mason, bien décidé à faire fortune puisque l’État rémunérait chaque passager transporté.
Alors que le navire remonte le Mississippi en direction du Missouri, un problème est détecté sur l’une des chaudières. Mais Mason, pressé et soucieux de rentabilité, refuse d’interrompre le voyage et ordonne de poursuivre la traversée.
Au total, James Capp Mason entasse à bord environ 2 300 personnes : quelque 2 000 soldats et 300 autres passagers, soit six fois la capacité autorisée du navire. Le 27 avril, à 2 heures du matin, alors que le Sultana navigue à quelques kilomètres de Memphis, dans le Tennessee, l’une des chaudières explose.
La détonation est foudroyante. Serrés les uns contre les autres, de nombreux passagers sont tués sur le coup. D’autres succombent à leurs blessures, frappés par des éclats de métal. Deux nouvelles explosions suivent rapidement. Certains sont brûlés vifs, d’autres piétinés dans le chaos. Beaucoup tentent de fuir en se jetant à l’eau… pour finalement se noyer.
Le bilan est tragique : environ 1 500 morts. Ce drame reste encore aujourd’hui l’un des naufrages les plus meurtriers de l’histoire des États-Unis.
Construit en 1850, le Pacific, un vapeur à roues à aubes de 69 mètres de long, joue un rôle essentiel pendant la ruée vers l’or, transportant marchandises précieuses et passagers à travers les Amériques. Le 4 novembre 1875, il quitte Victoria, sur la côte ouest du Canada, pour ce qui sera son ultime traversée. Dans la nuit, il entre en collision avec un autre navire. Moins de 30 minutes plus tard, le Pacific sombre, entraînant avec lui près de 300 personnes… et plus de 4 000 onces d’or.
En décembre 2022, la société Rockfish basée à Seattle annonce avoir retrouvé l’épave et obtient les droits exclusifs de sauvetage pour en extraire le contenu.
En juin 1904, sur la côte est des États-Unis, des touristes, des familles, des groupes scolaires et des usagers du quotidien embarquent à bord de ce que l’on présente comme « le plus grand et le plus splendide bateau d’excursion à vapeur de New York » : le General Slocum.
L’ambiance est à la fête. Le soleil brille, l’orchestre joue sur le pont, on chante, on danse… Le bateau, en service depuis treize ans, remonte paisiblement l’East River avec à son bord 1 350 passagers insouciants dans une atmosphère de vacances.
Mais vers 9 heures, un incendie se déclare sous le pont. Les flammes se propagent à une vitesse fulgurante. Vieilles et rongées par l’humidité, les lances à incendie ne fonctionnent pas. Pris au piège au milieu de la rivière, le capitaine William Van Schaick hésite : il ne sait où accoster.
Le bois du navire commence à céder. Pire encore, les passagers découvrent avec horreur que de nombreux gilets de sauvetage sont en piteux état, détériorés, inutilisables, totalement hors d’usage.
Pris de panique, alors que les flammes gagnent en intensité, de nombreux passagers se jettent à l’eau. Certains sont happés par les immenses roues à aubes du navire. Le bilan est effroyable : 1 021 morts, brûlés ou noyés, en majorité des femmes et des enfants.
Dans les jours qui suivent, les cadavres viennent s’échouer le long des berges, sous les yeux bouleversés des habitants. Un journal décrira plus tard le drame du General Slocum comme « une scène d’horreur inouïe ».
« Insubmersible », écrit le magazine Shipbuilder en 1911. Le Titanic est alors salué comme un bijou d’innovation et d’ingénierie. Une déclaration fatale, qui résonne encore aujourd’hui comme une tragique ironie face à ce qui deviendra la catastrophe maritime la plus célèbre du XXᵉ siècle et sans doute de toute l’histoire.
Construit à Belfast, en Irlande du Nord, ce paquebot de luxe est mis à l’eau la même année. En avril 1912, il quitte Southampton, dans le sud de l’Angleterre, pour sa traversée inaugurale vers New York, avec 2 240 passagers et membres d’équipage à son bord.
Le Titanic représente à l’époque le nec plus ultra : une véritable démonstration d’opulence flottante, soigneusement organisée en trois classes. En première, le grand luxe règne, avec des espaces réservés exclusivement aux passagers les plus fortunés. En troisième, les cabines, plus sobres, offrent néanmoins un confort digne de l’époque.
Parmi les passagers figurent plusieurs noms prestigieux, tels que le magnat de l’immobilier John Jacob Astor IV ou l’homme d’affaires Benjamin Guggenheim. Le concepteur du navire, Thomas Andrews, et Bruce Ismay, président de la White Star Line, la compagnie à l’origine du paquebot, sont aussi du voyage.
À 23h40, le 14 avril 1912, au large de Terre-Neuve, au cœur de l’Atlantique Nord, le Titanic heurte un iceberg. La coque se déchire sous le choc, et en moins de trois heures, le géant des mers sombre dans l’océan glacial.
Les 20 canots de sauvetage sont loin de suffire pour accueillir les 2 240 personnes à bord. Dans la panique, plusieurs embarcations quittent même le navire à moitié vides. À l’aube, seules 705 personnes auront survécu à cette nuit tragique.
Selon les témoignages, les musiciens auraient joué jusqu’au bout, sur le pont, offrant leurs dernières notes face à l’inéluctable.
En mai 1914, un épais voile brumeux enveloppe le fleuve Saint-Laurent, au Québec. L’Empress of Ireland, un luxueux paquebot à vapeur, y navigue prudemment avec 1 477 personnes à son bord, en direction de Liverpool. Il s’agit d’une traversée de routine que l’équipage connaît bien.
Mais ce jour-là, la visibilité est catastrophique. À l’aube, le capitaine Henry Kendall aperçoit brièvement le cargo norvégien Storstad… qui disparaît aussitôt dans un brouillard plus dense.
Quand le Storstad réapparaît, il est déjà trop tard. Sa proue transperce l’Empress of Ireland de plein fouet, éventrant la coque. L’eau s’engouffre à une vitesse fulgurante, ne laissant aucune chance aux passagers encore endormis pour la plupart.
Le navire prend une telle gîte sur tribord que seuls six canots de sauvetage peuvent être mis à l’eau. Certains passagers plongent dans les eaux glacées… pour succomber en quelques minutes à l’hypothermie.
Quatorze minutes après la collision, le paquebot disparaît sous les flots. Le bilan est terrible : 1 012 morts.
En 1907, le Lusitania, luxueux paquebot à vapeur, accoste pour la première fois à New York. Construit l’année précédente, il était alors le plus grand navire du monde, lancé à Liverpool pour assurer la liaison transatlantique avec les États-Unis.
Pensé pour allier performance et élégance, il remporte dès sa première année le prestigieux Ruban bleu, décerné au navire ayant accompli la traversée de l’Atlantique la plus rapide.
Mais au début de la Première Guerre mondiale, le Lusitania est réquisitionné pour participer à l’effort de guerre.
En mai 1915, le Lusitania rentre de New York avec 1 959 passagers et membres d’équipage à son bord. Vers 14 heures, il atteint la côte sud de l’Irlande.
Pour éviter les sous-marins allemands, le capitaine William Thomas Turner reçoit alors l’ordre d’adopter une trajectoire en zigzag. Mais depuis le début de la guerre, le Lusitania a toujours traversé l’Atlantique sans encombre, à l’abri des attaques. Convaincu qu’un paquebot de passagers ne risque rien, William Thomas Turner choisit d’ignorer l’avertissement.
Un sous-marin allemand lance une torpille. Une chaudière explose : c’est la panique à bord. En à peine 18 minutes, le Lusitania sombre dans l’océan, entraînant 1 198 personnes dans la mort. Pour justifier l’attaque, les Allemands affirment que le paquebot transportait 173 tonnes d’armes et de munitions. Pourtant, le navire n’était pas armé ni conçu pour le combat.
Parmi les victimes, 128 citoyens américains. Ce drame suscite une vive émotion outre-Atlantique et alimente le sentiment anti-allemand aux États-Unis, qui finiront par entrer en guerre en 1917.
Si le RMS Titanic est le plus célèbre des navires de la White Star Line, il n’était pas unique en son genre. Le Titanic avait deux navires jumeaux : le RMS Olympic et le RMS Britannic.
L’Olympic a fait office de paquebot et de navire de guerre avant d’être démantelé en 1935. Le destin du Britannic, lui, fut marqué par un autre drame, qui a scellé le sort de cette fratrie légendaire.
Construit à Belfast par Harland & Wolff, le Britannic devait suivre la même route que le Titanic, entre Southampton et New York.
La White Star Line prévoyait de le faire naviguer entre Southampton et New York à partir du printemps 1915, mais le déclenchement de la Première Guerre mondiale a bouleversé ses plans. Le navire a alors été réaffecté sous le nom de HMHS Britannic (His Majesty’s Hospital Ship, c’est-à-dire « navire-hôpital de Sa Majesté ») et ses salons élégants ont été transformés en dortoirs pour accueillir les blessés.
Le Britannic a poursuivi sa mission de navire-hôpital jusqu’à ce jour tragique de novembre 1916. Alors qu’il naviguait dans le canal de Kéa, en mer Égée, une puissante explosion a déchiré sa coque.
On ignore encore aujourd’hui la cause du naufrage. Torpille ou mine ? Les hypothèses divergent.
Le journal britannique The Observer avait alors indiqué que des forces allemandes auraient reconnu l’attaque, pensant que le navire convoyait des troupes ennemies.
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