Certains pays et certaines villes se retrouvent parfois classés comme zones interdites pour diverses raisons. Un conflit armé, une catastrophe naturelle ou la présence d’un baron de la drogue y installant son cartel international peuvent ainsi les rendre inaccessibles. Pour certains pays, il ne leur a fallu qu’un bref aperçu du monde au-delà de leurs frontières avant de conclure qu’ils ne voulaient pas y participer. Nous avons dressé une liste des destinations les plus captivantes de la planète qui étaient autrefois interdites d’accès, mais qui sont aujourd’hui, parfois timidement, de nouveau ouvertes aux visiteurs.
Adaptation française par Stéphanie Lopez
Cette cité fortifiée, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, trône sur la splendide côte dalmate en Croatie et figure parmi les destinations touristiques les plus populaires d’Europe. En 2019, ses ruelles pavées, étroites et pittoresques, ont accueilli 1,5 million de visiteurs, soit l’équivalent de 36 touristes par habitant.
Pourtant, lors de la déclaration d’indépendance de la Croatie en 1991, Dubrovnik a été violemment prise pour cible. L’Armée populaire yougoslave a assiégé la ville pendant plusieurs mois, pilonnant la vieille ville depuis les collines avoisinantes. Des centaines de personnes ont perdu la vie, tandis que des bâtiments pluriséculaires ont été réduits en ruines sous un déluge d’obus.
Des milliers de personnes ont fui la guerre et, pendant un certain temps, Dubrovnik est devenue une ville fantôme. Mais après la signature des accords de paix en 1995, les habitants – et les touristes – ont commencé à revenir. Au tournant du siècle, la fréquentation touristique avait retrouvé son niveau d’avant-guerre. Et en 2011, la ville a connu un nouvel essor lorsqu’elle a servi de décor à la série télévisée à succès Game of Thrones. Aujourd’hui, vous avez autant de chances de croiser des touristes à la recherche des rues ayant servi de décor à la célèbre « marche de la honte » de la reine Cersei que de tomber sur un petit restaurant au détour d’une ruelle proposant au menu des fruits de mer fraîchement pêchés dans l’Adriatique.
Le Timor-Leste (Timor oriental) s’est toujours distingué par son histoire singulière. Alors que l’essentiel de l’Indonésie, y compris la partie occidentale de l’île de Timor, était sous domination néerlandaise, le Timor oriental relevait, lui, de la souveraineté portugaise.
En 1975, peu après avoir arraché son indépendance au Portugal, le pays a été envahi par l’Indonésie et plongé dans une occupation répressive. Pendant plus d’une décennie, le Front révolutionnaire pour un Timor oriental indépendant (Fretilin) a mené une guérilla acharnée contre l’armée indonésienne, qui a réprimé l’insurrection avec une violence croissante.
En 1999, un référendum supervisé par les Nations unies a recueilli 78 % de votes en faveur de l’indépendance. Par la suite, l’armée indonésienne et les milices pro-indonésiennes ont contraint des centaines de milliers de Timorais orientaux à fuir vers le Timor occidental, tout en dévastant les infrastructures locales. Une force de maintien de la paix des Nations unies a alors été dépêchée sur place et, en 2002, le pays est enfin devenu indépendant. Aujourd’hui, avec une industrie touristique naissante, l’île attire les visiteurs grâce à ses plages immaculées, à ses reliefs intérieurs escarpés et à une culture singulière teintée d’influences portugaises.
Karosta est une ancienne base navale russe, puis soviétique, située sur la mer Baltique, dans l’actuelle ville de Liepaja, en Lettonie. Construite entre 1890 et 1906 sous l’égide du tsar Alexandre III de Russie, elle a servi de point d’ancrage à la flotte soviétique de la Baltique durant l’ère communiste. Elle est devenue une ville militaire fermée, l’une des plus secrètes de l’Union soviétique. Elle était alors interdite à tous, y compris aux habitants de Liepaja vivant à quelques kilomètres de là, qui venaient souvent sur la plage de Karosta pour récupérer l’ambre qui s’échouait sur le rivage.
Lorsque la Lettonie a obtenu son indépendance en 1991, l’armée soviétique a quitté Karosta, laissant certaines parties de la ville à l’abandon. Aujourd’hui, ce lieu est devenu une attraction touristique pour le moins inattendue, ainsi qu’un refuge pour les artistes. L’ancienne prison militaire a été reconvertie en hôtel et en espace de mariage. L’impressionnante cathédrale navale orthodoxe russe — jadis transformée en salle de sport et en cinéma — accueille à nouveau des offices. Enfin, les graffeurs ont métamorphosé les vieux forts en ruine, grignotés par la mer, en toiles saisissantes.
En 1988, au cœur des « années Escobar », le magazine Time désignait Medellín comme la ville la plus dangereuse au monde. Le baron de la drogue Pablo Escobar y avait installé son cartel, propulsant la ville dans un climat de conflits permanents, marqué par des affrontements avec la police, des assassinats politiques, des attentats et d’autres actes de violence. En 1991, le taux d’homicides dans la ville avait atteint la barre stupéfiante de 381 meurtres pour 100 000 habitants, un chiffre effarant, presque quarante fois supérieur au seuil fixé par les Nations unies pour parler d’épidémie de violence.
Il y a trente ans, Pablo Escobar trouvait la mort, et Medellín amorçait une transformation impressionnante. En 2004, divers projets d’infrastructure ont relié les quartiers pauvres des collines escarpées au centre économique, revitalisant la ville. Son nouveau dynamisme lui a valu, en 2013, le titre de « ville la plus innovante du monde » décerné par l’Urban Land Institute. Aujourd’hui, Medellín profite pleinement de son cadre unique, lovée entre deux crêtes andines, et les touristes découvrent pourquoi on la surnomme « la ville de l’éternel printemps ».
Les Khmers rouges n’ont régné sur le Cambodge que de 1975 à 1979, pourtant, environ deux millions de personnes ont trouvé la mort durant cette brève période. Sous la férule de leur leader, Pol Pot, un dirigeant brutal, le pays devait repartir de zéro : les villes ont été vidées, l’argent, la propriété privée et la religion abolis, tandis que la population était déportée dans des camps de travail forcé. Quiconque était qualifié d’« intellectuel » était exécuté, et des milliers d’autres succombaient à la faim, aux maladies ou à l’épuisement, scellant l’échec inévitable de cette « révolution ». Aujourd’hui, de nombreux « champs de la mort » rappellent cette tragédie, camps d’extermination où les victimes ont été inhumées dans des fosses communes.
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Le régime s’est finalement effondré lorsque le Vietnam voisin a envahi le pays, marquant le début d’une décennie d’occupation. Les Vietnamiens se sont retirés en 1989 et, depuis, le Cambodge s’est imposé comme une destination touristique de renom, notamment grâce aux superbes ruines khmères d’Angkor Wat. Le musée du génocide de Tuol Sleng et le mémorial de Choeung Ek, situés à Phnom Penh, témoignent de la période sombre du régime de Pol Pot. Parmi les principaux « champs de la mort », on compte celui de Wat Thmey, situé à proximité de Siem Reap.
Les Maldives ont accueilli leurs premiers touristes en 1972. En 1978, conscient que la plupart des îles de l’archipel étaient minuscules et craignant un afflux de visiteurs trop important, le gouvernement a mis en œuvre une politique d’enclave touristique axée sur le principe « un complexe hôtelier, une île ». Ces centres de villégiature ont été construits en grande partie sur des îles inhabitées, tandis que l’accès aux îles plus peuplées, comme Hithadhoo ou Fuvahmulah, demeurait à la fois difficile et peu fréquent.
Ce n’est que depuis 2009 que les habitants des îles habitées sont autorisés à ouvrir des maisons d’hôtes, où les touristes peuvent séjourner parmi la population locale. Désormais, les voyageurs les plus intrépides peuvent explorer des îles jusqu’ici inaccessibles pour vivre une authentique expérience insulaire. Pour s’y rendre, ils doivent souvent monter à bord d’un « vedi », l’un de ces grands bateaux en bois qui quittent la capitale, Malé, transportant à la fois passagers et marchandises.
L’Albanie est restée coupée du monde pendant la majeure partie de la seconde moitié du XXe siècle. Enver Hoxha, qui dirigeait alors le pays, s’est volontairement aliéné les grandes puissances et, en proie à une paranoïa exacerbée, a dépensé des sommes colossales pour construire des bunkers en béton le long des routes, aux frontières et sur les côtes du pays. Les estimations oscillent entre 170 000 et 750 000 bunkers ou plus, chacun représentant le coût d’un appartement de deux chambres, précipitant le pays vers la faillite.
Lorsque Enver Hoxha s’est éteint en 1985, il a laissé derrière lui une multitude de bunkers de béton, disséminés dans tout le pays. Certains ont trouvé une seconde vie en étant transformés en logements, en petits restaurants ou en galeries d’art, tandis que d’autres sont devenus le terrain de jeu des graffeurs. Depuis 1990 et l’avènement de la démocratie, l’Albanie est devenue une destination touristique prisée, avec ses stations balnéaires méditerranéennes comme Ksamil (ici en photo), ses superbes randonnées en montagne et le dynamisme de sa capitale, Tirana, le tout à des tarifs nettement plus avantageux que ceux de ses voisins réputés.
En allemand, « Sperrgebiet » signifie « zone interdite », un nom qui sied parfaitement à cette étendue située dans le sud du désert du Namib, au sud-ouest de la Namibie. Après que le mineur Zacharias Lewala y a découvert un diamant à Kolmanskop, en 1908, l’accès a été immédiatement fermé au public, et la région est restée coupée du monde jusqu’au début du XXIe siècle. Aujourd’hui encore, cet endroit méconnu fascine par ses mines de diamants, ses mers de sable traîtresses et ses légendes mystérieuses.
En 2004, la région de la Sperrgebiet, couvrant 22 000 km², a été déclarée parc national. Rebaptisée Tsau Khaeb, elle a été provisoirement ouverte à un nombre limité de visiteurs, qui ont pu y découvrir des mines abandonnées, des villes fantômes ensablées et d’anciennes épaves de navires gisant le long d’un littoral au relief escarpé. Très vite, le parc a été salué pour sa biodiversité exceptionnelle : son brouillard marin incessant recèle la plus forte concentration d’espèces endémiques de plantes succulentes au monde. C’est aussi là que se trouve la première zone marine protégée de Namibie, où abondent baleines, dauphins, otaries à fourrure et innombrables oiseaux marins.
Le Bhoutan est souvent qualifié de « royaume ermite », car il est resté isolé du reste du monde pendant des siècles, préservant jalousement son héritage culturel et ses traditions. Enclavé dans l’Himalaya, entre la Chine et l’Inde, il mise avant tout sur la paix et l’harmonie, évaluées au moyen de l’indice du bonheur national brut. Les voyageurs n’y ont été admis qu’à partir des années 1970 et sous des conditions particulièrement rigoureuses. Les procédures d’obtention du permis de séjour étaient si lourdes qu’en 1974, à peine 287 touristes ont pu pénétrer dans le pays.
Entre 2012 et 2016, la fréquentation touristique du Bhoutan a progressé de 24 %. Malgré tout, le royaume conserve une identité forte : pas de feux de circulation, port obligatoire de tenues traditionnelles pour les fonctionnaires (la gho pour les hommes et la kira pour les femmes), et arrivée tardive de la télévision dans le pays, en 1999, non sans hésitation. Les rares privilégiés autorisés à se rendre dans le pays doivent payer un droit d’entrée journalier élevé, mais le jeu en vaut la chandelle : paysages naturels saisissants, temples bouddhistes remarquables et découverte d’un art de vivre où les traditions séculaires demeurent omniprésentes.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne a été scindée en deux : l’Union soviétique contrôlait la partie orientale du pays, tandis que les Alliés occidentaux géraient la partie occidentale. La capitale, Berlin, a subi la même fracture. En 1961, le célèbre mur de Berlin a été érigé, qui a physiquement séparé Berlin-Est de Berlin-Ouest. Les quartiers de la ville ont été découpés, tout comme, parfois, les familles. Se rendre d’une zone à l’autre est rapidement devenu très compliqué, puis totalement impossible. Franchir le poste-frontière de Checkpoint Charlie relevait presque du roman d’espionnage. On estime qu’au moins 600 Allemands de l’Est ont péri en tentant de franchir le mur et de s’évader vers l’Ouest.
Aujourd’hui, Checkpoint Charlie attire les touristes, qui posent fièrement en photo auprès de figurants vêtus d’uniformes soviétiques ou américains. Juste en face, un McDonald’s témoigne de la transformation radicale du quartier, où l’on peut désormais se promener librement d’un « secteur » à l’autre. Seules quelques sections du mur de Berlin, sombres vestiges d’une époque plus restrictive, subsistent çà et là. Depuis 1989, Berlin-Est a embrassé les libertés et les perspectives nouvelles offertes par la chute du mur, au point de devenir un haut lieu festif, avec ses clubs, bars, restaurants, musées et galeries d’art, parmi les plus animés de la capitale.
Aux confins sud-ouest de Johannesburg s’étend Soweto, un township initialement établi par le gouvernement blanc sud-africain pour loger les travailleurs noirs affluant des campagnes entre les Première et Seconde Guerres mondiales. Les conditions de vie y étaient souvent déplorables, et les bidonvilles ont fini par devenir un terreau de contestation. La révolte de Soweto en 1976, déclenchée suite à la volonté du gouvernement d’imposer l’afrikaans dans les écoles, a marqué l’apogée de cette colère. Aujourd’hui, on peut parcourir Vilakazi Street, située au cœur du township, rendue célèbre par deux de ses résidents les plus illustres : l’archevêque Desmond Tutu et Nelson Mandela.
Depuis la fin de l’apartheid en 1990, les conditions de vie à Soweto se sont améliorées, même si la plupart des habitants continuent de devoir se rendre à Johannesburg pour travailler. Le tourisme, quant à lui, y est en pleine expansion : des visiteurs du monde entier affluent pour voir le musée installé dans l’ancienne maison de Nelson Mandela. La scène culinaire locale et la vie musicale du quartier connaissent elles aussi un essor notable. Parmi les lieux incontournables de Soweto, on trouve l’Ubuntu Kraal Brewery (une brasserie branchée), le théâtre de Soweto et le Locrate Market (un marché en plein air). Les voyageurs les plus audacieux, quant à eux, peuvent s’essayer au saut à l’élastique depuis les tours d’Orlando, une ancienne centrale électrique aujourd’hui désaffectée.
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